Ernest De Jupiter

Cannes 2012, hors compétition

Ma première mission à Cannes était de voir tous les films en sélection officielle. Un certain regard n’est venu qu’en complément. Comme sa grande sœur, cette compétition a recelé quelques perles et quelques horreurs.

 

Je me contenterai  de vous  faire part de mes réflexions concernant les films que j’ai pu voir:

 

Beasts of the southern wild, Benh Zeitlin

Le Grand soir, Benoît Delépine, Gustave Kervern

Gimme the Loot, Adam Leon

Mystery, Lou Ye

Student, Darezhan Omirbayev (Kazakstan)

 

A cela j’ajouterai les films hors compétition projetés à la salle Lumière :

Io e Te, Bernardo Bertolucci

Madagascar 3, Eric Darnell, Tom McGrath

Dracula 3D, Dario Argento

 

Et à la Quinzaine des réalisateurs :

Camille redouble, Noémie Lvovsky

Dangerous Liaisons , Hur Jin-ho

 

Un certain regard


Beasts of the Southern Wild – Les Bêtes du Sud sauvage, Behn Zeitlin, US, caméra d’or

Un très beau conte initiatique sur fond  de catastrophe écologique

Voici une oeuvre bien étrange qui laisse un instant dubitative. Est-ce du fantastique, du futurisme écologique, ou simplement la réalité vue à travers les yeux d’une enfant ? Je pencherais finalement pour la troisième solution…

Le lieu : le bayou, en Louisiane. Il s’agit d’une d’étendue d’eau formée par les anciens bras et méandres du Mississippi, une sorte de marais fertile et verdoyant créé suite à la construction d’un grand barrage en amont par les "peuples civilisés" pour se protéger de la montée imminente du niveau des mers. La zone inondée, considérée comme inhabitable, reste squattée par quelques irréductibles « proches de la nature » vivant de la pêche et de la chasse. Parmi eux, Hushpuppy, petite noire américaine, vit avec son père d’une manière spartiate mais heureuse.

Mais le malheur imminent ne manque pas d’arriver et une violente tempête se lève, inondant le bassin et le rendant insalubre. Du même coup, de fantastiques bêtes sauvages (les aurochs) sont libérées suite à la fonte des glaces, et le père est atteint d’une grave maladie. La petite fille devra faire face seule à toutes ces épreuves, avec le courage et la détermination acquises par l’éducation paternelle.

Les acteurs sont absolument fabuleux, en particulier la petite Quvenzhané Wallis qui semble avoir un énorme potentiel.

C’est un très beau conte, poétique, symbolique et initiatique, un hommage à la force, au combat, à la vie, contre tous les obstacles. L’adversité absolue étant représentée par les aurochs que la petite fille devra mater, en ayant le courage de leur faire face.

Un excellent premier film qui a bien mérité sa caméra d’or.

 

Le Grand soir, un plaidoyer anticonsummériste décalé

Avec Benoît Delépine, Gustave Kervern

Sortie le 6 juin 2012

Le Festival de Cannes tendait vers sa fin et j’étais plutôt attristé par le degré de sinistrose qui ressortait de tous les films que j’avais pu voir. Aussi ai-je accueilli avec joie la perspective de voir un film plus léger, voire « comique ».

J’avais vu Mammuth des mêmes réalisateurs, qui ne vaut que pour la performance du génial Depardieu.

Comme j’ai la fâcheuse tendance d’avoir un dent contre les gens ploucs et vulgaires, j’étais tout de même un peu méfiant concernant un film sur « le plus vieux punk à chien d’Europe » mais bon…

Le fait est qu’on ne s’ennuie pas, et avant que le film ne tourne totalement au délire, le début recèle des scènes plutôt cocasses. L’action se situe dans une zone commerciale. Un vieux punk décide de quitter le centre ville car son frère lui  a dit que « la vie » se déroulait désormais là… Cela donne lui à une présentation de la «vie» en question qui, il faut bien l’avouer, n’a rien de reluisant. Elle fait bien rire le vieux punk, et nous aussi.

Dans l’ensemble, le moins que l’on puisse dire est que le message n’a rien d’original : critique de la société de consommation, du travail, de la rentabilité à tous prix qui aliènent l’individu. Mieux vaut rejeter cette "société pourrie", refuser de s’intégrer (« Not » est  le nom du héros) si l’on ne veut pas mourir à soi-même (« Dead » est le nom qu’il attribue à son frère). C’est le credo des punks, c’est visiblement également celui des réalisateurs. Rien de nouveau sous le soleil des anticapitalistes, si ce n’est que ceux là ont le mérite de ne pas se prendre trop au sérieux.

Gimme the Loot (Adam Leon), plongée au coeur du Bronx

Avec Tashiana Washington, Ty Hickson

Plongée dans l’univers des jeunes du Bronx. Malcom et Sofia sont des « artistes tagueurs » qui ont tendance à réaliser leurs œuvres en dehors de leur « territoire », ce qui leur vaut l’ire d’un gang rival. Décidés à faire reconnaître leur talent, ils échafaudent un plan communication assez fou, qui va demander un peu d’argent. On découvre alors leur vie de tous les jours, les relations avec les autres jeunes et autres milieux, leurs petits et gros larcins, la difficulté à s’imposer et à ne pas se faire arnaquer. On voit aussi progressivement se transformer l’amitié des deux jeunes gens en une tendresse plus profonde.

Un beau tableau d’un milieu qui ne nous est pas familier. Un très beau film, qui réussit à échapper à tout misérabilisme sans occulter les difficultés de leur vie.

 

Mystery, Lou Ye

Le film d’ouverture d’Un certain regard était aussi pour moi le premier film que je voyais au Festival de Cannes 2012.

Un film chinois est déjà intéressant en soi car il est susceptible de nous livrer un portrait d’une société que l’on connait finalement assez mal. Rien de scabreux ici : il s’agit d’un polar. Une pluie battante, des voitures, une femmes déboule sur la chaussée et meurt heurtée par le véhicule. Le conducteur  est arrêté mais la police ne croit pas à un accident.

On découvre ensuite une femme, un mari, une petite fille…et progressivement se dessine une situation particulièrement complexe. L’intrigue est excellente et le scénario fonctionne très bien. Suspense et rebondissements, on y trouve tous les ingrédients d'un bon polar.

Malgré l’accord officiel accordé au film par l’Etat chinois, j’y vois toutefois une critique de la politique de l’enfant unique, sans laquelle le drame n’aurait sans doute pas eu lieu. J’ai été également frappé par le mauvais temps, la grisaille omniprésents et les plans panoramiques sur une  ville moderne d’une laideur repoussante. Petite chose amusante : l’Hymne à la Joie, hymne européen, comme musique d’un film chinois. Les miracles de la mondialisation…

 

Student, Darezhan Omirbayev (Kazakstan) Une histoire ennuyeuse de jeune ennuyeux

Voici une soi-disant adaptation kazak de Crimes et Châtiments. Un jeune étudiant se fait tabasser par les sbires d’un riche milliardaire. C’est bien connu, tous les riches milliardaires sont des méchants. Lui a l’impression d’être un nul. Son professeur de philo ultralibéral le lui a bien dit : seuls les forts doivent réussir, c’est la loi implacable de la nouvelle société capitaliste. Que les faibles disparaissent, c’est leur lot. Comme il ne veut pas compter parmi les faibles, notre étudiant se dit qu’il a le droit lui aussi d’avoir de l’argent et organise un braquage chez l’épicier du coin…

Pas de musique, presque pas de dialogues, gros plans interminables sur un visage las qui a l’air de porter tous les malheurs du monde, pas d’action, scènes d’une longueur interminable. On meurt d’ennui. On a envie de lui dire de retourner à ses études et de cesser de se plaindre car il a au moins la chance d’aller à la fac. Il y a des  gens moins bien lotis que toi mon garçon, on a vu des centaines pendant le festival de Cannes, alors cesse de te faire plaindre et épargne nous ta tête de jeune déprimé.

 

Les films de la sélection officielle hors compétition

 

Madagascar 3, Eric Darnell, Tom McGrath  DreamWorks Animation

N’ayant pas d’enfants et ayant un QI à peu près normal, je ne suis pas familier des films d’animation. Je n’avais pas vu les deux précédents Madagascar et n’avais suivi leur parution que d’un œil dubitatif.
Mais bon, j’avais la possibilité d’avoir des places au Festival de Ca,,es et je me suis dit qu’au milieu de la morosité ambiante, un peu de détente ne me ferait pas de mal, et j’en ai été récompensé.

J’ai trouvé ce dessin animé extraordinaire. Joyeux, vivant, extrêmement coloré, dynamique, les réalisateurs font preuve d’une très grande créativité et magnifique originalité. Les personnages sont attachants, les scènes de cirque tout simplement époustouflantes. Ajoutez à cela une excellente 3D et vous avez un divertissement de haut vol.
Bien sûr, il ne faut pas demander de hautes réflexions philosophiques, mais on y trouve toutefois un encouragement tout américain à se prendre en mains, ne pas baisser les bras, être ingénieux, inventif, fou, moyennant quoi, au final, rien ne peut vous résister. J’adore.

 

Io e Te, Bertolucci

Avec Tea Falco, Jacopo Olmo Antinori

Une histoire d’adolescents boutonneux…

Un jeune adolescent boutonneux ne voit pas trop l’intérêt de fréquenter ses « collègues » de classe (preuve d’intelligence à mon avis) et qui plus est, de partir avec eux en classe de neige. Pourtant, sa mère s’inquiète et le trouve asocial… il ne veut donc pas la décevoir et fait semblant de partir avec sa classe. A la place, il se prépare à passer une semaine tranquille, tout seul avec ses livres, dans un petit nid douillet qui se trouve être une grande cave appartenant à la famille. Tout se passe pour le mieux. Il étudie tranquillement sa fourmilière quand débarque à l’improviste sa demi-sœur qui profite de l’aubaine pour squatter les lieux le temps de faire sa cure de désintoxication.  Cette semaine de cohabitation forcée va finalement rapprocher le frère et la sœur.

Voilà, tout est dit. Je n’ai rien trouvé de plus et je me suis mortellement ennuyé. Les acteurs sont excellents, le petit jeune boutonneux à souhait, la jeune fille sombre, mystérieuse, est très intéressante, mais cela ne suffit pas à combler les lacunes d’un scénario insuffisant. Dommage.

Dracula 3D, Dario Argento

Comme je suis un peu passionné par les vampires (surtout ceux de Buffy et de Trueblood..), j’ai trouvé amusant de rester jusqu’à minuit passé aux séances nocturnes de Cannes pour faire une petite soirée Dracula 3D.

Je me suis assis à l'orchestre de la Salle Lumière près d’une femme qui me révéla qu’elle était « absolument fan » de Dario Argento, même si « il faisait du mauvais cinéma ». Puis elle s’est empressée d’aller lui demander un autographe avant que la séance ne commence. Je restai perplexe, n’ayant pas osé lui avouer que je n’avais jamais entendu parler de ce réalisateur… je me trouvais bête.

Une heure trente après, je ne regrettais absolument pas de ne pas avoir vu d’autres films de ce personnage. Son Dracula est tout simplement raté. Scénario plat, sans originalité, massacre de Bram Stoker sans rien apporter à la place, 3D agressive, images violentes, hémoglobine gratuite… un navet absolu. On en sort en regrettant Hollywood !

 

La Quinzaine des réalisateurs


Je me suis concentré cette année sur la sélection officielle, et le temps étant compté, je n’ai pas vraiment pu fréquenter la quinzaine. Je pense avoir manqué de belles choses, mais on ne peut pas être au four et au moulin…

 

Dangerous Liaisons , Hur Jin-ho  Une pure beauté

 

Cette version chinoise des Liaisons Dangereuses est certainement un des plus beaux films du festival 2012. L’action est située au sein de la haute société du Shanghai des années 30. Le scénario reste le même : une belle libertine réussit à convaincre un ancien amant de séduire une femme innocente et naïve puis de la quitter. Mais il est dangereux de jouer avec l’amour car on peut se faire prendre à son propre piège.

Tout est beau dans ce film : les acteurs d’abord, des Chinois absolument splendides et qui jouent intelligemment ce qui ne gâte rien. Les décors sont élaborés et filmés avec finesse et précision. L’image est splendide, colorée, vivante, détaillée. On « profite » en outre d’une représentation d’opéra chinois (qui me laisse dubitatif d’un point de vue auditif d’ailleurs). Le scénario est intelligent, dynamique, sans temps mort, tout en  nous laissant le temps d’admirer le décor.

Il n’y a aucun raté dans ce film. Il a de la classe. C’est une perle.  Mais qui irait donner un prix à un film en costumes ? Espérons qu’il fasse tout de même carrière en salle, car on a toujours besoin de beauté en ce monde.

 

Camille redouble, Noémie Lvovsky


Avec Noémie Lvovsky, Samir Guesmi, Yolande Moreau, Michel Vuillermoz, Denis Podalydès.

Je suis allé voir ce film parce qu’il était en clôture de la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes 2012 et en me disant qu’il y avait Yollande Moreau qui est parfois bonne. Je savais toutefois que ça ne serait pas non plus un chef d’œuvre de classe et de distinction. J’étais encore loin de la vérité: c’était sans compter avec Noémie Lvovsky, certainement une des actrices les plus mauvaises et vulgaires que j’aie jamais vues.

Je ne comprenais pas un mot de ce qu’elle disait. Elle jouait le rôle d’une femme mûre qui par magie se trouvait renvoyée dans son passé d’adolescente. Une ado débile, cela doit être aussi son niveau d’âge mental. Je déteste. Je suis parti avant la fin. Je ne pense pas avoir raté grand-chose.

 

Ernest de Jupiter

 



03/06/2012
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