Mais d'où vient Ernest?
Ernest de Jupiter est le doux nom du Roi des Dieux de l'Olympe tel que Offenbach se le représente dans son opérette Orphée aux Enfers.
Dans cette parodie antique typique du XIXème, le Dieu réussit à convaincre Pluton de l'amener aux Enfers avec tous les Immortels qui s'ennuient ferme dans leur "Olympe toujours bleue", condamnés pour l'éternité au Nectar et à l'Ambroisie. Là ils vont pouvoir danser le fameux French Cancan devenu mondialement connu.
Le livret d'Offenbach est une perle rare, un trésor de fraicheur. Il respire la joie de vivre. C'est un remède contre la morosité. Je recommande à chacun de le lire. Il est disponible dans son intégralité sur Wikipedia :
http://fr.wikisource.org/wiki/Orph%C3%A9e_aux_Enfers
Mieux encore, regardez l'excellente production réalisée par Laurent Pelly à l'Opéra de Lyon. La soprano française Natalie Dessay y brille dans un de ses meilleurs rôles, au côté de son époux Laurent Naouri qui campe un "Jupin" aux allures de Jésus Christ. Un pur bonheur.
Et pour vous donner un aperçu: le final de l'opéra:
- Oui, je suis convaincu ! — Malgré ses injustices,
- — C’est ma femme, et je veux ignorer ses caprices…
- Puissant roi des…
- Assez !… Grâce du boniment !
- Je connais ta demande : — Allons-y vivement !…
- Fidèle à ma promesse, à tes désirs propice,
- D’accord avec Pluton, je te rends Eurydice.
- Va !…
- Jupiter me comble et Pluton est trop bon !…
- Mais j’y mets cependant une condition…
- Condition expresse autant qu’inexplicable.
- Que tu n’as pas besoin de comprendre, que diable !
- — Vers le Styx, gravement, tu vas t’acheminer,
- En précédant ta femme, et sans te retourner !…
- — Si, trop pressé de voir ton aimable Eurydice,
- Tu désobéissais à ce petit caprice,
- Elle t’échapperait, pour toujours, cette fois !…
- Mais ce n’est pas du jeu !…
- L’on élève la voix !…
- Allons ! — Derrière toi va marcher Eurydice…
- Ne te retourne pas ! — J’ai dit ! — Qu’on obéisse ! –
- Ne regarde pas en arrière !
- A quinze pas fixe les yeux.
- Ami, pense à la terre !
- Elle nous attend tous les deux !
Les Dieux.
- Pour un époux quel embarras !
- Il se retournera,
- Se retournera pas !
- Tournera,
- Tourn’ra pas !
- Pour un époux quel embarras !
- Sur sa curiosité
- Aurais-je donc en vain compté !…
- Nous triomphons ! Ah ! quelle joie !
Jupiter.
- Nous triomphons ! Ah ! quelle joie !
- Il ne se tourne pas ! Tant pis ! Je le foudroie !
Jupin prend sa foudre de la main droite, la brandit, et au lieu de s’en servir, il administre dans le vide et dans la direction d’Orphée un vigoureux coup de pied électrique qui traverse la scène sous la forme d’une étincelle. Coup de tam-tam. Orphée se retourne brusquement, comme si le coup l’avait atteint. Eurydice disparaît à ses yeux.
- Malheureux ! Que viens-tu de faire ?
- Un mouvement involontaire !
- Tu l’as perdue et pour jamais !
- Hélas !
- Ce dénoûment m’enchante !
- Elle me reste donc !
- Pas plus qu’à moi ! — J’en fais
- Une bacchante !
- Pas plus qu’à moi ! — J’en fais
- Mais ça n’est pas dans la mythologie !
- Eh bien ! On la refera, la mythologie !
Eurydice.
- Bacchus !
- Mon âme légère
- Qui n’a pu se faire
- Au bonheur sur terre,
- Aspire à toi, divin Bacchus !
- Reçois la prêtresse
- Dont la voix sans cesse
- Veut chanter l’ivresse
- A tes élus !…
- Eh bien ! On la refera, la mythologie !
Bacchus paraît au fond sur un trône orné de pampres, porté par quatre faunes. — Eurydice monte jusqu’à lui sur les bras des dieux qui s’empressent à sa rencontre. — Le théâtre s’embrase.
- Bacchus !
- Reçois la prêtresse
- Dont la voix sans cesse
- Veut chanter l’ivresse
- A tes élus !…